Le Suisse : connaissez-vous cette spécialité de Valence, dans la Drôme ?

par Voyageur

Un article écrit par Marie-Charlotte Laudier.

Le suisse, un biscuit sablé pétri par l’Histoire

Des suisses à Valence ? Quand Pie VI fut prisonnier du Directoire

Si le suisse est bien connu des gourmands de la région, on oublie souvent les origines de la création de ce gâteau. L’histoire remonte au sortir de la Révolution française, lorsque le pape Pie VI meurt à Valence. Contraint de fuir Rome en 1798 après la proclamation de la République romaine par les troupes de Napoléon Bonaparte, ce pape, âgé, malade et prisonnier du Directoire, entame un long périple à travers les Alpes, qui s’achève en août 1799 à Valence où il rend son dernier souffle. D’abord enterré sur les boulevards, le corps de Pie VI est rapatrié fin 1801 au Vatican. L'évêque de Valence demande au Vatican de pouvoir conserver les entrailles et le cœur du pape décédé. Ces reliques se trouvent depuis lors scellées dans un buste, au sein de la cathédrale Saint-Apollinaire de Valence. Selon la légende, c'est pour rappeler le costume des gardes suisses, qui accompagnaient la dépouille de Pie VI, qu'un pâtissier de la ville aurait eu l'idée de confectionner le biscuit qui allait devenir une fameuse spécialité locale.

« Une pâtisserie qui gagne à être connue »

Le pâtissier valentinois Jean-Charles Giraud fait partie – comme son père Daniel, Meilleur Ouvrier de France – de la vingtaine de membres de la Confrérie du suisse de Valence. Il assure à ce titre la promotion de ce biscuit sablé en forme de soldat typique de la cité drômoise.

À quand remonte la création de la confrérie ?

Mon père fait partie des membres fondateurs de cette confrérie. La création remonte à 1995, dans le but de promouvoir cette spécialité valentinoise, finalement peu connue en dehors de la Drôme (même si on envoie nos pâtisseries un peu partout dans le monde). Les gens l’apprécient et aiment aussi fabriquer des Suisses en famille. Cette pâtisserie parfumée, à la fois croquante et moelleuse, gagne à être connue en dehors de nos frontières. La confrérie a été consacrée en 1996 en la cathédrale Saint-Apollinaire. En 1999, elle est allée au Vatican pour offrir des suisses aux gardes pontificaux et au pape Jean-Paul II.

Que fait la confrérie tout au long de l’année ?

Pour les Rameaux, nous organisons une grande parade, en costumes. Je confectionne un suisse géant qui mesure un mètre et pèse une dizaine de kilos. Nous le faisons entrer dans la cathédrale Saint-Apollinaire où il est béni au cours de la messe des Rameaux. À cette occasion, la pâtisserie Nivon réalise environ 700 suisses qui sont distribués à la fin de la messe, tout comme le suisse géant qui est découpé. Pour Valence en Gastronomie, en septembre, la confrérie parade également en costume. Nous nous réunissons quatre fois par an afin de mettre en œuvre la communication visant à faire connaître le suisse. On se met d’accord sur les manifestations dans lesquelles nous serons présents avec d’autres confréries.

Peut-on revisiter le suisse ?

Étant donné qu’il n’y a rien de déposé, oui. Il n’y a pas une recette type. Certains mettent des grains de café dans les yeux, d’autres des raisins. Nous, ce sont des grains de café. On ne met pas non plus de fleur d’oranger, car je n’en raffole pas, mais il est généreux en morceaux d’écorce d’orange confite. J’ai tenté une revisite, peut-être trop osée il y a quelques années : j’avais proposé lors d’un concours, un pâté en croûte de canard avec une pâte à suisse, car l’orange se marie bien avec le canard !

Quelle est l’évolution des ventes au fil des dernières années ?

Nous vendons de plus en plus de Suisses. Et toute l’année, pas seulement à la fête des Rameaux, même s’il y a un pic à ce moment-là. Je pense que c’est grâce au travail de la confrérie, et puis tout simplement parce que c’est bon ! Les jeunes connaissent moins mais les anciens leur font goûter. Nous avons également fait des visites et des ateliers avec des enfants, dans les écoles. Pour eux, c’est très ludique de fabriquer ces petits bonshommes. Nous avons des emporte-pièces pour chaque taille de suisse, puis nous créons un décor entièrement fabriqué à la main…